Mobilité : Projet Jonction Est
Un maillon fort des déplacements dans l’Est de la Métropole
Projet destructeur de biodiversité, argent public dépensé pour les interêts privés du constructeur, beaucoup trop proche du quartier de la Terrasse
Madame, Monsieur,
L'endroit même de la futur jonction à Toulouse abrite une espèce de lichen fruticuleux spectaculaire du genre Cladonia, tapissant le sol sous forme de boules de mousse. Ce lichen est peu commun dans la région et témoigne d’un sol de centaines d’années d’ancienneté. Les lichens fruticuleux sont plus sensibles à la pollution et donc plus rares en ville.
Les lichens sont des organismes vivants très anciens apparus il y a deux milliards d’années avant les plantes. Ce sont des organismes complexes, symbioses d’une algue et d’un champignon. Ils résistent aux écarts de températures ou à la sécheresse prolongée. Les lichens poussent très lentement, de l’ordre de 1mm par an. Ils peuvent avoir plusieurs dizaines voire plusieurs siècles d’existence.
La présence de ce lichen exceptionnel prouve donc la richesse masquée en cryptogames (lichen, fougères, mousses, champignons…) de cet espace destiné à être détruit par la jonction. Les scientifiques savent aujourd’hui que leur présence est corrélée à une biodiversité riche et complexe, abritant une microfaune cachée indispensable et indissociable du lien entretenu avec les autres organismes vivants.
Il est donc d’une importance capitale de préserver ce genre d’organismes de la destruction, si petits soient-ils, car ils sont bénéfiques à la vie. De même, l’étude scientifique des lichens est en voie de développement. Ainsi certains lichens sont utilisés à des fins thérapeutiques dans le traitement de cancers.
De plus les lichens sont particulièrement sensibles à la pollution et réagissent différemment selon les espèces, ce qui en fait d’excellents bio-indicateurs de la qualité de l’air, sans qu’il soit nécessaire de les prélever. Un projet d’étude permettant de mieux comprendre le lien entre la qualité de l’air et la présence des lichens a d’ailleurs été mis en place par l’université de la Sorbonne. Ce projet appelé « Lichen Go » est financé par l’Office français de la biodiversité.
La présence de ce lichen Cladonia à Toulouse à l’endroit même de la future jonction a été signalée au recensement des Atlas de la biodiversité communale de France Métropolitaine. Ce programme est géré par l’Office français de la biodiversité, qui fait autorité en terme de protection de la nature et qui a trois objectifs. Tout d’abord de sensibiliser et mobiliser les élus, les acteurs socio-économiques et les citoyens à la biodiversité. Ensuite, de mieux connaitre la biodiversité sur le territoire d’une commune ou intercommunalité et identifier les enjeux spécifiques liés. Enfin de faciliter la prise en compte de la biodiversité lors de la mise en place des politiques communales ou intercommunales.
En plus de la présence d’un lichen exceptionnel, moi et les habitants du quartier sommes fermement opposés au projet de jonction puisque nous fréquentons la piste cyclable tous les jours. Habitant personnellement non loin de la cité de l’Espace, j’y fais du jogging, j’effectue mes déplacements en vélo et j’y promène mon chien. C’est un endroit paisible et ressourçant grâce à la présence de la nature.
Les hectares de verdure entre la rocade actuelle et le quartier de la Terrasse sont véritablement indispensables aux habitants du quartiers puisqu’ils font rempart au bruit et à la pollution, offrant un barrage d’oxygène et de fraicheur. Vinci autoroute et Toulouse métropole ont prévu non seulement de les détruire mais en plus de multiplier la pollution sonore et visuelle, corrélées à l’augmentation de la toxicité respiratoire et de la chaleur (plus de 40 degrés l’été dernier pendant plusieurs semaines et cela ne va pas aller en s’améliorant avec le réchauffement climatique).
De plus, à l’heure où la situation se dégrade pour les oiseaux dans le monde, il est plus qu’urgent de réfléchir à préserver plutôt que de détruire. Un rapport de l’ONG Birdlife International révèle qu’en France, le nombre d’oiseaux des champs a diminué d’un tiers en 15 ans avec une disparition des oiseaux qui va entre 100 et 10 000 fois plus vite que la normale. Les raisons de ce déclin vertigineux sont toutes liées aux activités de l’Homme (destruction de leurs habitats naturels, pesticides etc).
La voie verte envisagée le long de la nouvelle jonction sera évidemment dénuée de tout ce qui fait l’intérêt d’une piste cyclable. En effet les abords de routes sont parmi les endroits les plus pollués à cause de la stagnation du CO2 augmenté avec la chaleur. Sans parler du bruit et du danger que représentent l’accélération et l’afflux de voitures. La route sera embouchonnée à l’entrée de la jonction à cause des infrastructures non adaptées à l’afflux attendu. Laissant entrevoir en perspective de nouveaux projets d’élargissements de voies et de nouvelles destructions d’arbres, notamment les muriers platanes aux abords des routes actuelles « pour alléger la jonction ». En terme de congestion, l’aménagement de la jonction n’aura qu’un effet modéré en regard des trafics supplémentaires qu’elle génèrera, comme le montrent les études.
Sans compter les 80 millions engagés pour la réalisation auxquels nous pouvons rajouter 30% aux vues de l’augmentation des matières premières et de la crise post Covid. 2,8 milliards d’euros ont déjà été dépensés dans le projet Métro pour favoriser les transports en communs et 80 millions dans TELEO, cela n’est donc pas suffisant ?
De plus l’affluence de voitures dans le quartier détruira véritablement la qualité de vie et donc la valeur du quartier de La Terrasse, entrainant un effondrement de la valeur patrimoniale des habitations. Cela est particulièrement dévastateur lorsque l’on a économisé une vie entière pour acquérir une habitation dans ce quartier réputé des agences immobilières.
Ce projet est donc un scandale écologique favorisant l’augmentation du nombre de voitures et n’encourageant pas les transports en commun et le vélo. Il doit donc être repensé car il est trop proche des habitations, destructeur d’un écosystème rare, nous le pensons inutile, couteux, et son impact dévastateur sera davantage négatif que positif.
Pour nous, il est clair que notre argent public est dépensé pour des intérêts qui ne sont pas d’ordre général, mais privé. Cette nouvelle jonction ne servira, encore une fois, que les intérêts du constructeur.
L.F.
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